Toni Morrison : The pieces I am

La littérature à vif

Toni Morrison : the pieces I am de Timothy Greenfield-Sanders (déjà derrière la série The Black List, mettant en valeur des personnalités afroaméricaines de premier rang mais parfois injustement méconnues) suit le parcours de feu Toni Morrison, depuis ses premiers pas jusqu’à sa consécration par le prix Nobel de littérature. Figure incontournable de la littérature américaine, elle a cherché à restituer aux femmes noires américaines ce que l’histoire officielle tend à leur arracher, à restituer la complexité, le relief, la richesse d’une partie de la population américaine qui encore aujourd’hui souffre de la discrimination systémique profondément enracinée dans l’histoire des Etats-Unis autant que dans son actualité.

Mais, ce serait encore bien réducteur que de qualifier Toni Morrison par cette phrase. Ce documentaire est là pour le prouver par les multiples témoignages de proches, d’admiratrices et d’admirateurs dont Angela Davis, Oprah Winfrey et Russel Banks. Mais aussi, il ne manque de céder la parole à l’intéressée elle-même par de multiples extraits vidéo.

Bien sûr, bien plus que ses groupies de première classe qui finalement s’épuisent en louanges et finissent par tourner à vide faute de mots, c’est bien la seconde qui crève l’écran. Toni Morrison scotche littéralement par sa présence. On se laisse aisément emporter depuis sa jeunesse à Lorain jusqu’à son arrivée à New-York et au-delà, enclin à saluer sa capacité à tenir l’équilibre entre l’écriture, le travail et son rôle de mère, enclin à admirer sa ténacité, enclin enfin à s’incliner lorsqu’elle s’engage à prendre à rebours l’histoire de l’esclavage avec Beloved, redonnant légitimité à des vies méprisées.

Puissant, il laisse également le regard un peu perdu, bousculé par la profondeur de tout ce qui traverse ces 120 minutes, par la leçon de vie qu’il charrie. Lorsque vient le générique, il y a un sentiment de tenir en soi une sorte de brillance, d’éclat de conscience, qu’on sait malheureusement destiné à s’éteindre lorsque les prochaines couches de souvenirs viendront l’ensevelir.

Peut-être est-ce beaucoup dire, peut-être est-ce utiliser des mots un peu trop massifs pour le sentiment raffiné qu’il procure, mais en tout cas cet admirable documentaire donne une seule envie : foncer dans la librairie la plus proche pour se ruer vers la section Morrison.

Benjamin Sablain

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer